«PORTRAITS D’ADOPTÉES»

Quelques membres du conseil d’administration de L’Hybridé répondent avec cœur à des questions sensibles concernant l’adoption et se sont prêtées au jeu du portrait photographique à travers la lentille de la talentueuse Maude Touchette.

Crédit : Maude Touchette
Crédit : Maude Touchette

SANDY INTYATYAMBO JUHEL

Que réponds-tu à la fameuse question «d’où viens-tu?»
Généralement, je réponds seulement que j’ai grandi en France. Parfois les curieux s’aventurent et me demandent si je suis née “ici” ou, “ailleurs”. C’est dans ces moments-là que je m’offre le choix d’approfondir ma réponse ou non.

Ton conjoint est-il un allié face à tes questions entourant l’adoption? De quelle façon? J’ai rencontré mon conjoint lorsque je suis retournée vivre dans mon pays d’origine. D’une certaine manière, je pense qu’en tant qu’allié il suit donc de près l’évolution de mes perceptions, de mon histoire, de mes paroles, de mes expériences et de mes émotions depuis mon passage en Haïti.


Crédit : Maude Touchette

USHA ZWEILI

Que signifie «être adoptée» pour toi?


Ça signifie avoir une histoire unique et de me sentir tout de même profondément connectée aux autres personnes adoptées à l’international.

Que voudrais-tu que les gens comprennent face à l’adoption?


Bien que toutes les voix soient importantes, je suis convaincue que celles qui doivent être mises de l’avant sont celles des personnes adoptées car elles sont les principales concernées. L’adoption c’est aussi politique, sexiste, classiste.


Crédit : Andy Jon
Crédit : Andy Jon

MAUDE TOUCHETTE

Quels sentiments nourris-tu face à ton pays de naissance?

Avant mon voyage de retour que j’ai effectué en mars 2019, je me sentais étrangère à mon pays. Plus ma décision d’effectué ce voyage se concrétisait, plus je me sentais fébrile, mais un peu craintive en même temps. Craintive de ce que j’allais découvrir. Craintive d’être déçue. Et depuis mon retour je me sens fière et plus groundée. J’ai été fascinée d’être en présence directe avec mes racines. De marcher sur la terre qui m’a vu naître. Je sais que je n’ai pas tout vu et que j’ai encore énormément à apprendre et j’ai soif de connaître.

Que réponds-tu à la fameuse question «d’où viens-tu?»

Maladroitement je ris un peu. J’essaie de voir dans le regard de l’autre le fond de la question. Je tâte le terrain. Je réponds : « De Drummondville ». À ce moment, en voyant la réaction, souvent, je suis en mesure de savoir si c’est vraiment ce que la personne voulait savoir ou bien si c’est une question en fonction de ma couleur de peau! Des fois je dis que je viens d’ici. Et si la personne insiste. J’insiste aussi en continuant de dire que je viens d’ici. On est pas toujours dans le « mood » de partir sur la longue histoire de notre adoption. Cela dépend de comment la question est posée et à quelle moment.


Crédit : Maude Touchette

MAÏLY DAIGLE

Te sens-tu comme un membre de ta famille adoptive à part entière?

Ma famille adoptive est bien spéciale, elle n’est pas aussi ordinaire comme une famille normale devrait l’être. Mes parents n’avaient pas d’enfant à eux, alors ils ont choisi d’adopter à l’international. Je suis la sixième arrivée, mais après moi, il y a eu neuf autres enfants. Nous venons des quatre coins du monde. Je ne sais ni comment, ni pourquoi, mais nous arrivons à nous apprivoiser et nous construisons des liens d’affection les uns pour les autres, étape par étape. Nous étions tous des êtres qui avaient soif d’amour, nous acceptions d’aimer tous ceux qui pouvaient nous apporter un peu de réconfort. Étions-nous des naufragés qui ayant enfin trouvé le bateau, nous nous y accrochons désespérément? Est-ce simplement nos destinées qui se sont croisées? L’abandon, la maltraitance et la malnutrition nous ont tous touchés, nous sommes des survivants. Nous essayons de recueillir la joie de la vie, tout en combattant continuellement nos angoisses et en tenant les fantômes du passé loin de nous. Ma mère nous répétait souvent en riant que nous étions des enfants qu’elle avait abandonnés dans son ancienne vie, dans cette vie-ci, elle ne faisait que nous rapatrier. C’est tout à fait absurde, mais certains de mes frères et sœurs lui ont reproché de ne pas les avoir retrouvé plus tôt, le mal qu’ils ont souffert avant leur adoption est maintenant irréparable. Ma mère se sent souvent coupable face à ces reproches et aux diverses problématiques psychologiques de ses enfants. Absurde, n’est-ce pas? Sur ce point, je lui ressemble beaucoup, le sentiment de culpabilité est enraciné dans notre être avant même que nous soyons conscients, il ne suffit que de peu pour faire vibrer notre corde sensible.


Crédit : Maude Touchette

CAMILLE ESTHER GARON

Comment te sens-tu lorsque vient le temps d’expliquer ton adoption?

« Je sens que je vais toujours devoir me justifier car l’adoption est très méconnue et on se fait souvent traiter comme des enfants. La plupart du temps je parle de mon adoption de manière très simple. Je me sens bien lorsque je parle de mon adoption, car cela permet de sensibiliser les personnes, d’en savoir davantage. Toutefois, je crois qu’il est important de prendre conscience que c’est un sujet sensible et qu’il faut faire attention aux questions qu’on pose ainsi que notre approche auprès des personnes adoptées. »

Quels sentiments nourris-tu face à ton pays, ta province ou ta ville d’adoption?

« J’ai eu longtemps un questionnement à savoir si je pouvais me considérer Haïtienne, si je pouvais retourner dans mon pays. Le sentiment de séparation ou on peut dire ‘’ abandon’’ a été fort et je vivais cette crise identitaire à ne pas me sentir accepter chez les communautés haïtiennes et chez les communautés québécoises de descendance européenne. Il y a ce sentiment de déracinement où qu’on ne sait plus où est notre place. J’ai retrouvé le plaisir et le sentiment de fierté haïtienne au moment de retourner dans mon pays d’origine et je suis allée voir le musée national. J’ai eu le sentiment d’appartenance à mon histoire, mes origines, mon pays. Aujourd’hui, Haiti est et sera toujours ma première maison et mon pays et j’en suis fière. Je prend le temps d’apprendre le créole, de cuisiner des recettes de mon pays et je me reconnecte avec ma culture haitienne. Je suis rendu à faire des soup joumou avec mes parents adoptif le premier janvier, je dévore des livres haitiens. Je suis vraiment fière. J’ai arrêté de laisser les autres me définir et j’ai décidé d’aller à mon rythme et pour moi. Il n’est jamais trop tard pour découvrir ses origines et ne laissez personne vous dire qu’il est trop tard. »


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